Taku Bannai, un monde poétique et familier de papiers découpés
A compter du 9 mars prochain, Taku Bannai exposera à la galerie Treize-Dix à Paris, en compagnie de Yuki Kitazumi et de quatre autres artistes. Régulièrement exposé à Tokyo, je lui ai proposé de faire découvrir au public parisien le monde poétique et familier que composent ses papiers découpés.
Brighton Pier
Quand as-tu décidé de devenir illustrateur ?
J’ai étudié le graphisme pendant quatre ans à la Tama Art University de Tokyo. Après mon diplôme, je voulais dessiner et donc trouver un job qui me le permette.
Afternoon in the park
Est-ce que tu dessinais déjà enfant ? As-tu gardé ces dessins ?
J’aime dessiner depuis que je suis enfant. Je n’ai pas ces dessins avec moi mais ils doivent certainement encore se trouver dans la maison de mes parents.
Nous avons le même âge (Taku est né en 1972) et cela m’intéresserait de savoir ce que tu dessinais.
Il y avait des paysages : une ville, une forêt… Je me souviens aussi de l’histoire d’une planète dessinée comme un personnage. A l’école élémentaire, je dessinais des cartoons pour les montrer à mes amis.
Pourquoi avoir choisi de travailler avec des papiers découpés ?
Le papier découpé me permet tout d’abord de mettre en valeur les contours des différents éléments composant le dessin. J’aime aussi l’ombre créée par la superposition des matières et le fait que l'on peut déterminer avec précision l’ordre de ces superpositions, comme pour des calques.
Moonlight
La référence aux ombres est très intéressante et me rappelle L’éloge de l’ombre de Tanizaki que m'a fait découvrir un ami il y a quelques années (un extrait ci-dessous). Connais-tu Petit arbre de Komagata ? Les ombres créées par ce pop-up m'éveuvent au plus haut point.
Oui, ses livres sont magnifiques !
« En fait, la beauté d’une pièce d’habitation japonaise, produite uniquement par un jeu sur le degré d’opacité de l’ombre, se passe de tout accessoire. L’Occidental, en voyant cela, est frappé par ce dépouillement et croit n’avoir affaire qu’à des murs gris dépourvus de tout ornement, interprétation parfaitement légitime de son point de vue, mais qui prouve qu’il n’a point percé l’énigme de l’ombre » (in L’éloge de l’ombre, Junichirô Tanizaki, édition Verdier).
Petit arbre, Katsumi Komagata
Quels artistes t’ont inspirés ?
Il y en a beaucoup mais je pense que David Hockney et Alex Katz figurent parmi mes préférés.
Alex Katz, Figures on the beach, 1958, aquatinte
Que peux-tu dire sur les couleurs que tu utilises ? La palette est très subtile.
Il y a une unité de ton dans tout mon travail. Ma préférence ne va pas aux couleurs éclatantes mais à des tons doux, un peu fanés comme un ciel anglais nuageux. Je ne dépeins pas des scènes de liesse mais le sentiment que j’avance de jour en jour dans un paysage familier. La palette subtile, les tons peu contrastés sont ceux du souvenir.
Underground
La composition tient un rôle central dans ton travail et participe à l'impression de calme mélancolique qui en émane. Que doit-elle à ta culture japonaise ?
Ce qui m’attire depuis toujours dans les collages sont l’exercice de composition et d’équilibre auquel ils astreignent. Quand je regarde le monde et réfléchis à ce qui pourrait caractériser la culture japonaise, j’y vois une certaine force et une individualité que je souhaiterais préserver dans mon travail.
Qui sont tes clients ? Peux-tu nous montrer quelques travaux réalisés pour eux ?
Japanese mail, Suntory, JAL, Fuji film, MINI, Kadokawa et plein d’autres encore.
Yuki Kitazumi a évoqué l’importance que revêtait pour elle la fréquentation de la MJ Illustration créée par l’illustrateur Toru Minegishi. Qu'en est-il pour toi ?
J’appartiens moi aussi à la MJ Illustration. C’est stimulant de pouvoir apprendre de nouvelles techniques et voir les travaux des autres illustrateurs fréquentant ce lieu. Tous les ans, MJ édite un book réunissant une sélection d’œuvres – dont les miennes - diffusée gratuitement chez les éditeurs, designers… Pour moi, ces ouvrages jouent le rôle de portfolio et de promotion de mon travail auprès de potentiels prescripteurs.
Peux-tu montrer deux dessins chers à ton cœur ?
Cela dépend des jours mais Frisbee et Bobbie and Steven sont deux dessins que j’aime beaucoup. J’essaie de dessiner des images dépourvues de subjectivité, afin de permettre aux gens d’imaginer des histoires. Je suis heureux quand cela fait ressurgir un souvenir de leur mémoire. J’aime les lieux qui ouvrent l’imagination à toutes sortes d’hypothèses, comme c’est le cas pour Bobbie and Steven. Frisbee exprime quant à lui la sensation de bien-être ressentie au contact de l’air.
Propos recueillis par Axelle Viannay
Pour découvrir les œuvres de Taku Bannai, rendez-vous à l'exposition Autre Je à la galerie Treize-Dix, 13 rue Taylor à Paris, du 9 mars au 1er avril 2017. Y seront également exposés Yuki Kitazumi, Anne Gorouben, Lisa Zordan, Moonassi et Sarah Beth Schneider sous le commissariat d'Axelle Viannay