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Emmanuel Pierre, de flamboyants desseins


Emmanuel m'a conviée à l'heure du café dans son appartement ravissant et plein d'esprit, à l'image de ses dessins. Entourés d'objets, de meubles et de dessins empreints d'histoire et de souvenirs, nous avons devisé comme de vieux amis troquant bien vite le café sucré-épicé pour du thé fumé versé, comme il se doit, d'une teapot préalablement ébouillantée. Emmanuel est un passeur des temps anciens, ce qui - à notre époque - m'apparaît à bien des égards hautement subversif.




Depuis quelques mois, les Parisiens peuvent admirer tes collages qui recouvrent le chantier de rénovation de l’Hôtel du Louvre, place Colette. Comment as-tu été amené à travailler pour eux, dans la suite de ce que tu avais réalisé pour Hermès il y a deux ans ?


Par ricochet d’Hermès, justement, qui m’a un jour sollicité et donné carte blanche pour faire le catalogue de l’exposition « Dans l’œil du flâneur » avec les éditions Actes-Sud. J’ai réalisé le livre – un leporello - que je considère le plus abouti de ce que j’ai fait jusqu’à présent et qui a tellement plu à Hermès que le commissaire de l’exposition qui n’avait pas encore écrit son texte l’a construit à partir des dessins. Des images ont aussi été intégrées dans l’expo… Quand elle a fait escale à Paris sur les quais, le bâtiment a été recouvert de ces collages agrandis en énorme… L’impact a été incroyable ! Quand l’hôtel du Louvre a voulu se refaire une beauté, l’agence de communication qui avait été missionnée pour réfléchir à l’identité graphique de l’hôtel a proposé mon travail. On a réalisé les bâches à l'extérieur et je dessine désormais pour l’intérieur : chambres, signalétiques, menus…

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Quelle satisfaction de voir ses œuvres ainsi agrandies et portées à la vue de tous !


C’est amusant et très chouette, oui !


Le passage du papier à la bâche a bien fonctionné, ce qui n’a rien d’évident.


Oui, quand tu l’observes de loin, on croit voir une feuille de dessin. Je suis très content de la réalisation. Et, cela n’arrive pas tous les jours de voir ses dessins sur une toile de la taille d’un immeuble…


Les bâches dessinées ne sont pas si fréquentes, oui, et c’est bien dommage.


Il y a eu une bâche de Berberian pour la Samaritaine, de Sempé pour Berlutti, d’Avril (François Avril NDRL) qui en a dessiné une très jolie rue de Courcelles… Ça change des publicités pour les montres !


Des publicités pour les montres et les smartphones ! J’imagine le plaisir d’enfant que tu as dû ressentir en voyant ces agrandissements.


Oui, moins une fierté qu’un vrai plaisir d’enfant.


En parlant de l’enfance, je t’imagine avoir beaucoup dessiné.


On a vécu à Madagascar pendant quatre ans lorsque j’étais tout petit. Mon père était militaire, dans l’infanterie de marine. De retour sur le bateau lorsque j’avais six ans, j’ai commencé à dessiner le paquebot sur lequel nous naviguions. C’était le Pierre Loti.



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L’évocation de Pierre Loti fait rêver…


Inspirant à tout point de vue. Je ne savais pas qui il était à l’époque, ni qui j’étais d’ailleurs, mais je me souviens des odeurs de la cabine, de l’ambiance sur le paquebot, absolument merveilleuse pour un gosse. J’ai réalisé ces premiers dessins sur un agenda de ma mère. Il y a quelques années, j’ai retrouvé cet agenda et en ai extrait quelques dessins que j’ai encadrés. A la suite de cette première expérience, j’ai continué à dessiner par intermittence. L’exposition Toutankhamon (l’exposition Toutankhamon et son temps s’est tenue au Petit Palais en 1967 NDLR) a été un très grand choc et m’a conduit à dessiner des scènes égyptiennes, par exemple ! Je dessinais alors au crayon sur des cahiers.


Beaucoup de choses liées aux voyages, à l’imaginaire, à d’autres mondes…


A d’autres mondes mais aussi à l’observation des gens. Ma mère avait six frères et sœurs. On passait toutes nos vacances dans une grande maison de famille, avec beaucoup de cousins. Une famille très aimante. Nous étions trois frères et sœur. Ma sœur m’a beaucoup encouragé à dessiner. Elle encrait mes dessins, les colorait, les brochait. Ce qu’elle faisait était fantastique ! Elle m’a aussi appris à regarder en me faisant visiter Paris. Nous étions installés pas loin du Champ de Mars lorsque j’avais 8 ans.



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Ta sœur était artiste ?


Tout le monde dessinait dans ma famille. Ma sœur reproduisait des miniatures indiennes et mon frère des formules 1 hyperréalistes. Quant à mon père, il caricaturait au stylo-bille bleu les militaires pendant les réunions. Ma grand-mère dessinait aussi de très jolis pastels.


A cette époque, une autre personne a revêtu un rôle très important dans ma construction personnelle. Bruno habitait dans mon immeuble ; nos mères nous avaient présentés. Il inventait des univers, des pays. Son imagination était débridée. Nous passions une grande partie de notre temps libre ensemble que ce soit au Champ de mars ou dans la maison de campagne de ses parents. A huit ans, il connaissait le nom des insectes, des animaux, des plantes et il m’a donné accès à ce monde merveilleux. Il était aussi féru de poésie, citait Henri Michaux ou Yves Bonnefoy tout à trac. Il a été mon mentor pendant longtemps. J’ai été très veinard d’être entouré de gens aussi extraordinaires qui m’ont ouvert les yeux.


Quelle place tenaient les livres dans ta vie à cette époque ? Ils sont très importants dans ton travail.


Bruno me montrait plein de livres, notamment d’histoire naturelle. Mon grand-père maternel collectionnait les livres anciens. Il y en avait partout dans la maison familiale. De très jolis livres. J’étais tombé amoureux des reliures, des papiers odorants, des typos.


De l’objet-livre…


Oui, de l’objet avant tout. Tout le monde lisait beaucoup dans ma famille, sauf moi ! Ce n’est qu’en première, qu’un professeur de lettres génial, spécialiste de Céline, m’en a fait découvrir la richesse. Donc, je n’aimais pas lire mais j’aimais la langue et les livres en tant qu’objets. Des livres anciens, mais aussi des placards remplis de collections de Tintin et de Spirou des années 50. Mon père nous avait aussi abonnés à Pilote. Je dessinais d’ailleurs des bandes-dessinées à l’époque. J’étais un peu sous l’emprise de Druillet, complètement druilletophile !



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J’ai gardé tous les livres dont on a hérité, des trésors comme des livres avec des batailles que l’on déplie… Quand j’ai démarré mes études aux Métiers d’art avant d’aller aux Beaux-Arts, une UV de français a été consacrée à la conception d’un livre. Je vais te montrer mon opus n°1 réalisé à cette occasion, très influencé des livres anciens. Emmanuel me montre un livre ravissant ressemblant à un ouvrage du 17ème siècle. J’en ai repris tous les codes : les culs de lampe, la typo…. Tout est fait à la plume. J’ai découvert par la suite ceux que Le-Tan avait dessinés. A la suite de ce premier essai, j’ai poursuivi la création de livres avec des papiers anciens.



Oh j’adore le « Emmanuel Pierre fecit » discrètement inscrit sur le papier…


Comme si c’était une gravure ancienne ! C’est un tel bonheur de faire ça !


E. PIERRE fecit, inscrit en haut à droite de cet extrait de Regards instructifs



A la suite de ce premier essai, tu as créé de très nombreux livres uniques, à la main.


Oui, 267 et je réalise actuellement le 268ème !



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Emmanuel apporte plusieurs livres sur lesquels mes yeux s’étaient arrêtés à mon arrivée dans son appartement.


Voilà deux rescapés d’une série de petits livres réalisée en 1980. Des amis m’en avaient commandés, mais leur maison a brûlé. Quatre de ces livres sont partis en fumée. J’aime les livres en vélin et j’avais cherché un relieur qui puisse faire des reliures avec ce matériau. J’ai trouvé un très vieux relieur Quai de l’hôtel de ville qui a bien voulu m’en faire et lui ai confié des papiers du 17ème siècle, exercice périlleux, car de très petits formats.


Que tu avais chinés ?


Quand j’étais aux Beaux-Arts, un ami est venu un jour dans l’atelier nous avertir que toute la boutique d’un relieur de la rue Visconti avait été mise dans la cour. On a filé et nous nous sommes servis. Mon stock n’est toujours pas épuisé ! J’ai récupéré des ex libris, des papiers reliure… Ça a été la base de ces petits livres rares.



Et je tombe comme par hasard sur un « Pour mâles et femelles débauchés » (rire) Comment se fait-il que ce monde fascinant du livre d’art soit à ce point extérieur au monde de l’art contemporain ?


Les métiers d’art sont à bien des égards déconsidérés alors qu’ils font parfois preuve de grande audace. Les artisans travaillent pour les collectionneurs, les bibliophiles, malheureusement rarissimes à présent. J’ai beaucoup travaillé à l’atelier de gravure Lacourière-Frélaut à une époque où ils recevaient encore beaucoup de commandes de livres de passionnés. C’était un endroit merveilleux sur deux niveaux avec des papiers partout, des presses, l’odeur de l’encre… J’y voyais régulièrement Olivier Debré (entre autre) y réaliser ses gravures dans d’énormes bacs d’acide nitrique. L’atelier a hélas fermé en 2008. Ce sont des lieux qui disparaissent vite.


Des mondes où le papier tient aussi une place importante. Toutes tes reliures ont été réalisées avec des papiers ravissants.


J’ai beaucoup de papiers japonais, plein de papiers dominotés italiens que je range précieusement.


Tiens regarde ce petit livre avec son papier japonais. Emmanuel me montre un leporello – Notre Dame de la tapette - très cocasse représentant une frise d’un monde interlope. Je l’avais réalisé après une fête un peu folle dans le Nord. Si tu aimes les dessins érotiques, il faut que je te montre ceux que j’ai dessinés il y a une dizaine d’années.


Oui, tu sais que ce sujet m’intéresse beaucoup.


Emmanuel part à la recherche de son carton à dessins et finit par le trouver après quelques essais infructueux, comme s’il s’était dérobé aux regards. Une succession de scènes pornodrolatiques apparaît au fur et à mesure des pages, comme des farandoles enfantines réservées aux adultes. L’encre Sennelier un peu brillante donne un très bel aspect laqué au trait.



Encre sur papier, ca 2004


J’adore les courses en sac ! A l’époque, je vivais dans un atelier d’artiste rue Choron avec mon ami. Nous organisions de grandes fêtes. Le petit appartement contigu au nôtre était vide et nous avions demandé à la propriétaire si nous pouvions l’utiliser comme vestiaire. Nous y avons aménagé des petits salons dont j’ai punaisé les murs de dessins érotiques éclairés avec des lampes de poche. C’était une fête indienne et les images étaient en rapport avec ce thème. Cette mise en scène a suscité une envie. Quand mon ami m’a quitté, curieusement, je me suis lancé dans la réalisation de cette longue série de dessins érotiques. J’ai fait ça pendant deux ans, puis j’ai arrêté.


Le papier est très beau.


Oui, c’est un vieil Arches que j’ai trouvé à l’atelier Lacourière quand il a fermé. Ils ont bradé leurs stocks de papiers qui étaient rangés dans des paquets bien protégés, d’où le très bel état de conservation. J’en ai acheté plein, dont des chutes de Montval qui avaient servi à graver la suite Vollard de Picasso. J’ai dessiné sur certaines de ces feuilles et en ai donné à quelques amis comme Pierre Le-Tan, Denis Polge.


Extrait de La boîte jaune écrit et réalisé pour Pierre Le Tan


Des amis triés sur le volet ! Tu pourrais identifier les dessins que Pierre Le-Tan a réalisés sur ces feuilles ? Ce serait une superbe idée de livre de les réunir.


Oui, je reconnaîtrais très certainement le papier. Cela me fait penser que j’ai fabriqué un livre pour Pierre : La boîte jaune, une histoire brodée autour d’une merveilleuse boîte jaune remplie de concrétions de cristaux de soufre.



J’ai vu un livre de Ronald Searle dans ta bibliothèque. Est-ce un illustrateur qui t’a influencé ?


Oui, j’aime beaucoup Ronald Searle. On peut dire qu’il m’a influencé, tout comme Saul Steinberg et Goya. Quand j’ai découvert les caprices de Goya au musée Goya de Castres, ça a été une fête, un émerveillement.



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Je t'imagine avoir été très marqué par le surréalisme


J’ai adoré le Surréalisme même si cela me paraît lointain maintenant. J’en ai beaucoup mangé ! Le Surréalisme m’a ouvert les yeux. Je me sens toujours inscrit dans leur héritage, comme peuvent l’être d’une autre manière les œuvres de Matthew Barney qui m'ont frappé au point d’avoir visité l’exposition du Musée d’Art Moderne au moins trois fois de suite, il y a une quinzaine d’années.


Le Surréalisme est venu à toi par le prisme de quels artistes ?


Cornell notamment. C’est après avoir vu ses œuvres que je me suis autorisé à montrer mes boîtes.



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Oh j’adore Joseph Cornell !


Figure-toi qu’en 1979 une exposition lui a été consacrée au musée de Toulon. A l’époque, Marie-Claude Beaud qui avait fait du musée de Grenoble un grand musée d’art moderne y avait été nommée. Elle a organisé cette exposition, une merveille. Il y avait peu de choses mais la sélection était phénoménale. Quelle incroyable découverte pour moi ! A l’époque, je faisais déjà du « mudlarking ». Je ramassais des bois flottés, récupérais des clous, des perles, des bouts de bois dans la maison familiale qui tombait en lambeaux, et réalisais des mises en scène dans des boîtes. C’est aussi à cette époque que j’ai découvert les collages, notamment ceux de Max Ernst. Je faisais beaucoup de cadavres-exquis dessinés. J’ai semé cette pratique autour de moi, avec mes amis François Avril, Dominique Corbasson, mes étudiants à l’école Emile Cohl…



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Le collage, bien sûr, toi qui le pratique si joliment depuis des années maintenant…


Ma sœur m’en montrait beaucoup. Dans Pilote, il y avait les faux collages de Cathy Millet. On les découpait, on les gardait. Les années 60-70 étaient une époque encore très marquée par le Surréalisme. En vacances, mes cousins, ma sœur, mon frère et moi nous amusions à découper des catalogues, de vieux albums et à réaliser des compositions. Après j’ai mis du temps à y revenir. Je l’ai d’abord fait en mélangeant dessins et collages puis en me consacrant entièrement au collage.



Collage réalisé par Emmanuel Pierre pour la maison d'édition Alma



Où découpes-tu tous tes papiers ? Il y a notamment des chromos.


Oui, des chromos, entre autres. Je vais aux Vieux Papiers (salon qui se tient deux fois par an porte de Champerret NDLR) et fouille dans des caisses de drouilles.


Ah toi aussi tu dis drouille ? Tu sais que j’ai grandi dans une famille de chineur où on fouille dans la drouille !


J’ai appris ce terme au fil de mes pérégrinations ! J’ai plus ou moins pris le relai de mon père qui achetait des timbres et des marques postales.


Tu m'as indiqué réaliser un nouveau livre en ce moment ?


Oui, ce sera le 268ème ! Je le prépare pour un très joli événement qui se déroulera en décembre dans la galerie de l’antiquaire et décoratrice Carole Borraz. Elle va faire un calendrier de l’Avent. Chaque jour, sera mis en scène un objet ou une œuvre par des décorateurs, des dessinateurs, des peintres…


C’est une géniale idée ! Tu sais que tous les ans, depuis six ans, je publie un calendrier de l’avent sur FB et désormais sur mon blog avec une image de Noël chaque jour différente. J’ai hâte de découvrir ce calendrier.


Le 21 sera mon jour ! Je réalise un livre unique d’objets un peu étranges. Tu seras conviée bien entendu.


Tiens, je voulais te montrer ça : c’est un livre gravé que j’ai fait en 1989 à partir des cartons de marabouts distribués dans la rue. On a écrit des histoires avec un ami en respectant chaque carte dans sa progression dramatique. C’est l’atelier Lacourière qui l’a édité. Ce sont des eaux-fortes sur acier. La couleur coûtant très cher, nous avons pris le parti de mettre une couleur par planche, sauf pour quelques-unes où plusieurs passages ont été réalisés. La couverture a été faite en linogravure pour le noir et blanc et en lithographie pour les couleurs, car je pensais que ça serait moins onéreux ainsi, mais ça a été beaucoup plus long à faire que prévu.



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On s’est beaucoup amusés. On avait remarqué que beaucoup de ces marabouts habitaient très certainement le même immeuble. Tiens, regarde, là ça se passe dans le métro : première classe, deuxième classe…



Ah oui, j’ai connu ça. Et sur la ligne 10, les wagons avec les sièges en bois qui ont disparu dans les années 80. Il est génial ce livre !


Oui, l’atelier Lacourière l’a d’ailleurs montré à la foire de Francfort en 1989. J’y suis allé avec eux pour le présenter. C’était la première fois que j’allais en Allemagne, moi qui avais été élevé dans un esprit anti-germanique ! C’est un très beau et bon souvenir.


Tu me parlais à l’instant d’Yvette, ton double facétieux que tu as créé et fait vivre pendant quelques années sur FB. Il faut que je te montre Gisèle Chayeu, un personnage que j’ai créé en 1983 et dont j’ai raconté les aventures en plusieurs livres, de l’adolescence à la mort, comme des comptines incantatoires dans lesquelles le nom de Gisèle est scandé. Emmanuel me montre plusieurs petits livres réalisés sur des papiers pliés en huit. L’un d’entre eux a manifestement été mangé par le feu. Je raccompagnais un ami et ce livre racontant la mort de Gisèle a commencé à prendre feu à cause d'une bougie.



C’est incroyable que ce soit tombé sur sa mort. Il est beau aussi comme ça. Il a vécu.


J’avais fait plusieurs autres livres consacrés à des personnages louches. Il y avait notamment Sandrine Torchasse, Ginette Chabre et Miquelon Tarabast.



De dignes camarades pour mon Yvette ! Pourquoi autant de leporello et de pliages ?


Je trouve ça commode. Je broche plutôt que je ne relie et j’aime bien aussi l’idée que l’on puisse étaler le livre, d’une frise que l’on déplie. Ce sont des livres sans être des livres. Je me suis souvent demandé pourquoi un dessin devait illustrer un texte et non le contraire.


C’est une bonne question, effectivement…


Je vais te montrer un carnet d’expérimentations démarré en 1979 où je dessinais des petites histoires, « Fantaisies Littéraires ».


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C’est amusant cette histoire sur Arnold Cheunebert-Schönberg …



J'ai choisi ce disque, sans en avertir Emmanuel, en souvenir de mon grand-père maternel


J’adore la musique du 20ème siècle. Petit à petit, c’est devenu un exercice, mon carnet de bord. J’ai demandé à mon ami Bruno d’écrire le texte de plusieurs de ces histoires dessinées. Une des histoires du carnet – sur un personnage appelé Norbert - a attiré l’attention d’une éditrice du Seuil jeunesse. Elle m’a proposé d’écrire un livre à partir de cette planche. Mon tout premier livre édité a donc eu pour sujet les aventures de Norbert.


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On retrouve dans toutes tes Fantaisies littéraires le principe des images d’Epinal


Oui, tout à fait. Avec des couleurs aléatoires.


A propos de couleur, quelle place tiennent-elles dans ton travail ?


J’étais très mauvais coloriste et ma sœur faisait mes couleurs lorsque j’étais petit. J’ai beaucoup travaillé au stylo bleu, puis au rotring, avant de revenir à la plume. Avant de faire du collage, je prenais le parti des images populaires d’Epinal avec des couleurs peintes à l’aquarelle ou à la tempera (vert Véronèse, jaune de Naples). Grâce au collage, j’ai pu casser tous mes tics de dessin à la plume, comme les hachures par exemple et me confronter différemment à la couleur. Ça m’a permis d’envisager d’autres choses, d’aller vers l’abstraction, de défricher des mondes que j’avais en tête. Je continue à osciller entre dessin et collage et me demande parfois si les gens peuvent me suivre ! Est-ce plausible vu de l’extérieur ?


Par principe, je trouve très triste une vie où l’on serait assigné à quelque chose alors que son inspiration ferait voyager ici ou ailleurs…


Oui, c’est important de cultiver cette liberté !


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